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Loop Jubilee +2

15 novembre 2015
La Grange aux Loups CHAUVIGNY

Dans le chaos causationnel, je ne vois personnellement guère que l'autoréflexivité, la maîtrise du feedback et des boucles auto-stabilisatrices, la pensée complexe aussi, qui vaillent.
A demain au chaud..

In the causational desorder, I only consider self-reflexivity, mastering of feedback and self-stabilized loops, complex thinking also, are worth something. See you tomorrow.

Loop Jubilee 2015

Ce sera à la fois un festival international, un dimanche à la campagne, l'expression d'un courant musical et technologique en pleine explosion, en pleine mutation, une réunion d'amis, un repli stratégique, une ouverture stylistique, on y écoutera des musiciens traditionnels futuristes, des modernistes saturés de nostalgie, des chansons, du bruit, on branchera plein de machines à plein d'instruments, on croisera des Allemands, des projets du coin et d'ailleurs, des gars, des filles, des nouveaux et des anciens, on tournera en boucle jusqu'au vertige et on discutera routing, synchronisation, layering et sampling de phrase. Ou pas du tout. La journée s'achèvera juste quand débutera la dernière loopfest de l'année, à Austin, Texas, sept heures plus tôt.

Bref, la Grange aux loops reçoit pour la deuxième année consécutive le LOOP JUBILEE, édition française du Y2K15 International Live Looping Festival, né en 2001 en Californie et présent désormais dans trente villes de onze pays sur trois continents.

pratique

Loop Jubilee +2
International live looping festival
15 novembre 2015 à partir de 15h
La Grange aux Loups
13, Plan Saint-Pierre 86300 CHAUVIGNY
Participation libre
ORGANISATION : Compagnie laBase (Châtellerault - 86 -)
Emmanuel Reveneau 06 68 29 05 03 / email

programme

Feromil

Feromil

Originaire de Dunkerque où l'on semble s'être fait une spécialité de s'agiter en portant un masque, Émilien Leroy catalyse la géographie portuaire et industrielle qui l'entoure à travers des projets qui vont de l'installation sonore monumentale au field recording, en passant par les performances noise de son principal avatar Feromil, humanoïde dystopique dont les interventions déjantées à base de capteurs et de détecteur à métaux portent la rétroaction électromagnétique jusque vers des paysages harmoniques insoupçonnés, et laissent sur les dents un curieux goût de rouille.
http://emilienleroy.com/
on YOUTUBE

Guilhem Desq

Guilhem Desq

Carton mérité sur YouTube pour le projet solo de ce jeune musicien et luthier qui emmène la vielle à roue vers de nouvelles frontières, tant sur le plan esthétique (bien qu'inspiré par les avant-gardistes du type Valentin Clastrier, Guilhem penche définitivement du côté du rock'n'roll) et technique (électrification, effets) que structural (diplômé en ingénierie informatique, il a créé un soft de modélisation de vielles). Il faudra suivre avec attention son évolution dans le domaine du live looping, pour l'instant seulement exploré à la marge : Chauvigny sera un peu son baptême du feu, mais on peut d'ores et déjà gager qu'il va plutôt verser de l'huile que l'inverse.
https://www.guilhemdesq.com/

Goupile et Coyotte

Goupile et Coyotte

Un duo bipolaire exclusivement consacré au double répertoire de Brigitte Fontaine et de Serge Gainsbourg, interprété avec malice et énergie par une paire de musiciennes au caractère bien trempé, à savoir la chanteuse, comédienne et plasticienne Marion Berthier et l'époustouflante altiste Manue Bouriaud dont nous avions eu le plaisir d'accueillir l'année dernière le projet solo, le Violinoscope. Ici pas de démonstration de force, simplement une utilisation astucieuse de la technologie pour une relecture sensible et juste de deux monstres du patrimoine national.
http://goupileetcoyotte.wix.com/goupileetcoyotte/

Leander Reininghaus et Bernhard Wöstheinrich

Leander Reininghaus et Bernhard Wöstheinrich

Rencontre berlinoise dans le Poitou entre deux activistes de la scène expérimentale et ambient allemande, à savoir le guitariste (et producteur de loopfests) Leander Reininghaus − dont les Parisiens ont pu apprécier l'année dernière les intonations célestes − et Bernhard Wöstheinrich, aka The Redundant Rocker, peintre psychédélique et musicien électronique, moitié du duo Centrozoon avec Markus Reuter. À la suite d'un hommage à Edgar Froese − feu le fondateur de Tangerine Dream − qui les a réunis au début de l'année, Leander et Bernhard ont décidé de poursuivre chez nous leur collaboration sous une forme plus improvisée et de laisser libre cours à leur fantaisie. Willkommen Freunde !
https://redundantrocker.wordpress.com/about/
https://soundcloud.com/leanderreininghaus

Jelila

Jelila

Baroudeuse intrépide et polyglotte initialement formée à la danse, cette musicienne autodidacte suisso-tunisienne − désormais installée à Paris où vous l'avez peut-être entendue dans le métro − trimballe à travers le monde son personnage de passionaria solaire et une loopstation pour diffuser au fil d'un répertoire mixte de reggae, de blues et de hip-hop un message universaliste profondément optimiste qu'elle orchestre avec guitare, ukulélé et percussions, et interprète d'une voix grave aux résonances subtilement orientales.
https://www.facebook.com/jelilamusique
https://www.youtube.com/user/TheJelila

Philippe Ollivier : Toco La Toccata

Philippe Ollivier

Philippe Ollivier est un esprit large : chef de troupe, compositeur autodidacte, bandonéoniste iconoclaste, un riche parcours d'homme de spectacle qui l'a mené de la musique traditionnelle au cirque en passant par la danse contemporaine, le tout en assurant le développement de son logiciel Logelloop, logiciel qui occupe dans "Toca la Toccata" (une pièce créée à Paris l'année dernière au Loop Jubilee+1) la fonction d'un véritable et toujours surprenant partenaire contrapuntique pour l'improvisateur, dans un savant jeu de réciprocité. La diffusion sera assurée en hexaphonie : frissons garantis.
https://www.philippeollivier.com/toco-la-toccata/
http://www.logelloop.com/

L'inquiétant suspendu

L'inquiétant suspendu

Formé en 2004 par la violoncelliste Pascale Berthomier et le guitariste Xavier Vochelle, L'Inquiétant suspendu est un petit orchestre à lui tout seul dédié à l'accompagnement sonore de ciné-concerts et de spectacles théâtraux ou chorégraphiques. Doté d'une riche palette sonore et instrumentale, capable de multiples incarnations en fonction des univers auxquels il s'associe, le duo oscille entre musique classique, expressionnisme bruitiste et ambient insolite sans jamais perdre sa fraîcheur un peu bastringue. Pour l'occasion, leur set sera spécialement orienté live looping en combinant les possibilités de l'ordinateur et des pédales hardware.
http://suspendu.free.fr/
https://linquietantsuspendu.bandcamp.com/

In Mobile Integrative Project

In Mobile Integrative Project

On a un peu perdu de vue que le live looping ne se résume pas à la simple capture d'un instrument ou d'une voix, mais concerne en premier lieu l'organisation temporelle de n'importe quelle source (même visuelle) en temps réel. Aussi, histoire de pimenter le débat, nous conclurons le festival sur une expérience sans filet réunissant Olivier Malhomme (In Mobile) et Emmanuel Reveneau (The lucid brain integrative project) autour de l'idée de manipulation de sources sonores externes, en l'occurrence la radio (une gageure un dimanche en début de soirée). Difficile d'anticiper le résultat, sans doute une enfilade de vignettes bruitistes parsemées de messages publicitaires douteux.
http://in-mobile.eu/
https://www.youtube.com/user/TheLucidbrain

1963-2003 : un peu d'histoire

En 1963, le Théâtre des Nations, festival parisien de théâtre international, invite la troupe du dramaturge américain Ken Dewey à présenter une performance au théâtre Récamier. Le festival se fait l'écho d'un nouveau mouvement qui a pris son essor à New-York et en Californie, le happening, initié en 1957 par Allan Kaprow, un élève de John Cage. L'American Conservatory Theatre (ACT) de Dewey est multidisciplinaire, on y trouve des membres du Living Theatre et de la troupe de la chorégraphe Anna Halprin. Tout ce petit monde expérimente en Californie de nouvelles formes de théâtre et de chorégraphie « multimedia » en association avec les membres du San Francisco Tape Music Center, un groupe de musiciens passionnés de création sonore à partir de manipulations de bandes magnétiques, dont Terry Riley qui a créé en 1962 « Mescalin Mix » pour un spectacle d’Halprin.
En 1963, Riley vivote à l'époque à Paris en jouant des standards de jazz dans les bars de Pigalle et sur les bases de l’OTAN. Il rencontre Dewey, lequel lui propose de créer la bande-son de la performance qu’il compte donner en adaptant sa pièce « The Gift », montée l’année précédente à San Francisco. Dewey loue un château en ruines dans la banlieue sud de Paris pour les répétitions, Riley lui propose de travailler avec Chet Baker – tout juste sorti de prison en Italie pour possession d’héroïne – et son quartet en tant que musiciens et comédiens. Le quartet comprend Luis Fuentes (trombone), Luigi Trussardi (contrebasse) et George Solano (batterie), et joue régulièrement au cabaret le Chat qui pêche, rive gauche.
Riley enregistre le quartet (ensemble, puis séparément) dans les studios de la Radio Télévision Française, installés au Théâtre Sarah Bernhardt (actuel Théâtre de la ville) pour les retransmissions des spectacles du Théâtre des Nations. Baker choisit d’interpréter « So what » de Miles Davis, une pièce modale parfaitement adaptée aux intentions de Riley qui enregistre par ailleurs des extraits du texte de « The Gift » récités par John Graham. Riley décrit à l’ingénieur-son de la RTF présent pour l’aider au mixage le principe d’écho utilisé lors de l’enregistrement de Mescalin Mix. Écoutons Riley : « J’ai décrit cet effet à l’ingénieur français, un homme très sérieux avec un manteau blanc, qui bricola un moment avant d’assembler deux magnétophones ensemble. Mon dieu ! Le son que j’ai entendu était exactement ce que je cherchais… Tout ce que vous avez à faire est de réunir deux magnétophones. Le premier joue, le second enregistre, la bande circule entre les deux têtes de lecture. Quand la première machine enregistre, elle envoie le signal à l’autre machine qui joue ce qui a été ajouté. Cela n’arrête jamais de s’accumuler… » Répétition et accumulation : le Time Lag Accumulator est né, modifie définitivement l’approche musicale de Riley et l’entraîne logiquement vers la composition l’année suivante de la pièce fondatrice de la musique minimaliste, In C. Riley utilisera par ailleurs un système équivalent durant toutes les années 60 au cours d’improvisations qui pouvaient durer toute la nuit, en s’accompagnant à l’harmonium et au saxophone.
Quand Chet Baker entend le résultat passé à la moulinette du Time Lag Accumulator, il s’écrie « Man, that’s some crazy shit ! » Il n’est pas le seul à réagir négativement à cette déstructuration en règle de sa musique. Les représentations de « The Gift », les 8, 9 et 10 juillet 1963, provoquent l’incompréhension, voire la colère du public parisien venu essentiellement pour entendre le trompettiste et s’attendant à un genre de comédie musicale. Baker n’est même pas présent à la première et Riley le remplace au pied levé en utilisant un débouche-lavabo en guise de trompette. Comédiens, danseurs et musiciens sont installés sur un immense mobile en métal pendu au plafond, œuvre du sculpteur Jerry Walters, dans un équilibre précaire. L’argument de la pièce, un objet circulant de main en main, s’improvise à chaque représentation et permet toutes sortes de provocations obligeant les musiciens à jouer plus fort pour couvrir les cris de la foule. Au jazz du quartet répond le maelstrom sonore de la musique de Riley. Le dernier soir, un acteur conclut sa réplique « This is an incredible experience » en détruisant magnétophones et bandes dont il ne restera au final que des fragments, les 23 minutes d’enregistrement connues depuis lors sous le nom de « Music for the Gift ».

1963-2003 : the story

In 1963, the Theatre des Nations, a Parisian international theater festival, invited American playwright Ken Dewey’s company to present a performance at the Recamier Theater. The festival gave voice to the happening, a new movement initiated in 1957 by a student of John Cage named Allan Kaprow and that took off in New York and California. Dewey’s American Conservatory Theater (ACT) is multidisciplinary and includes choreographer Anna Halprin’s dancers in addition to members of the Living Theatre. In California, they experimented with new forms of theater and dance to create "multimedia" production in association with members of the San Francisco Tape Music Center. The Tape Music Center was a group of musicians that were interested in creating music by using magnetic tapes recorders. This group included Terry Riley, who created “Mescalin Mix" in 1962 for one of Halprin’s shows.
In 1963, Riley scraped together a living in Paris playing jazz standards in bars in Pigalle and on NATO bases. Upon meeting Dewey, he agreed to create the soundtrack for the playwright’s intended performance at the festival: an adaptation of his play "The Gift" created the previous year in San Francisco. Dewey rented a ruined castle in the southern suburbs of Paris for rehearsals, while Riley made plans to work with Chet Baker - just released from prison in Italy for possession of heroin - and his quartet as musicians and actors. At the time, the quartet played regularly on the left bank at the cabaret le Chat qui pêche and included Luis Fuentes (trombone), Luigi Trussardi (bass) and George Solano (drums).
Riley recorded the quartet (together, then separately) in the studios of the Radio Télévision Française, installed in the Sarah Bernhardt Theatre (current Théâtre de la ville) to broadcast the plays presented during the Théâtre des Nations. Baker chose to interpret "So What" by Miles Davis, a modal piece perfectly adapted to Riley’s intentions. Riley also recorded excerpts from the text of "The Gift" read by John Graham. Riley described to the RTF sound engineer assigned to assist him the echo technique he used to record “Mescalin Mix”. In Riley’s words: “I described the effect to the french engineer, a very straight guy in a white coat, wo fooled around and ended up hooking two tapes recorder together. Boy ! When you heard that sound it was just what I wanted… What you do is connect two tapes recorders. The first is playing back, the second recording, the tape streched across the heads of both. As this machine records, it feeds back to the other machine, which plays back what it’s added. It keeps building up… »
Repetition and accumulation: the Time Lag Accumulator was born and would permanently alter Riley’s musical approach. He followed this development to its logical conclusion the following year by composing the founding piece of minimalist music: “In C”. Riley would also use a similar system in the 60’s for all-night improvisations in which he accompanied himself on the harmonium and saxophone.
When Chet Baker heard his quartet’s music passed through the mill of the Time Lag Accumulator, he exclaimed "Man, that's some crazy shit!" Many shared his negative reaction to this deconstruction of the rule of music. The performances of "The Gift" on July 8, 9 and 10 1963 caused misunderstanding and even anger among a Parisian public that had come mainly to hear the famous trumpeter and expected a kind of musical theater. Baker was not even present at the premiere and Riley had to fill-in for him on short notice, using a toilet plunger as a trumpet. Actors, dancers and musicians were precariously balanced on a huge metal mobile hanging from the ceiling created by sculptor Jerry Walters. The title object would move from hand to hand during the play and was improvised at each performance. This created all kinds of opportunities for provocation and forced the musicians to play ever louder to cover the screams of the crowd. The maelstrom of sound created by Riley met the jazz quartet’s music. On the last evening, an actor concludes his line "This is an incredible experience" by destroying recorders and tape of which only fragmentswould ultimately survive: the 23 minutes of recording known since as the "Music for the Gift".