Editions >> 2013 >> 2015

Loop Jubilee

Mai 2014


loopjubilee2014

Chauvigny/Lyon/Paris, 11>15>30-31 mai 2014

Une première édition de rêve en 2013 et le PARIS LOOP JUBILEE devient LOOP JUBILEE tout court, trois festivals sur le territoire français pour de nouveau célébrer l'art de la boucle autour de vingt-et-un projets de six nationalités.

Musiciennes et musiciens de génération, de culture, d'univers très différents, ils ont en commun une technique d'enregistrement et de composition en temps réel inventée en France il y un demi-siècle : le live looping, autrement dit l'art de se sampler soi-même.

Digital, analogique, acoustique, électronique, écrit ou improvisé, expérimental ou mainstream, libéré de toute tutelle esthétique et capable de s'incarner dans tous les genres, le live looping est aujourd'hui une zone de turbulences majeure dans le dialogue créatif des hommes et des machines.

Le Loop Jubilee ouvre une série de dix-sept festivals en Europe, en Asie et aux États-Unis, fédérés sous la bannière du Y2K14 International Live Looping Festival de Santa Cruz, Californie.

Livorno, 16-18 mai
Brescia, 22 mai
Zürich, 24 mai
Y2K14 Asia/Singapour, 27 septembre
Y2K14 USA/Californie, du 8 au 12 octobre 2014

Organisation

Compagnie laBase (Châtellerault - 86 -)
Emmanuel Reveneau 06 68 29 05 03 / email

institut français Poitou-charentes La grange aux loups Le périscope Les voûtes La clef

1963-2013 : un peu d'histoire

En 1963, le Théâtre des Nations, festival parisien de théâtre international, invite la troupe du dramaturge américain Ken Dewey à présenter une performance au théâtre Récamier. Le festival se fait l'écho d'un nouveau mouvement qui a pris son essor à New-York et en Californie, le happening, initié en 1957 par Allan Kaprow, un élève de John Cage. L'American Conservatory Theatre (ACT) de Dewey est multidisciplinaire, on y trouve des membres du Living Theatre et de la troupe de la chorégraphe Anna Halprin. Tout ce petit monde expérimente en Californie de nouvelles formes de théâtre et de chorégraphie « multimedia » en association avec les membres du San Francisco Tape Music Center, un groupe de musiciens passionnés de création sonore à partir de manipulations de bandes magnétiques, dont Terry Riley qui a créé en 1962 « Mescalin Mix » pour un spectacle d’Halprin.
En 1963, Riley vivote à l'époque à Paris en jouant des standards de jazz dans les bars de Pigalle et sur les bases de l’OTAN. Il rencontre Dewey, lequel lui propose de créer la bande-son de la performance qu’il compte donner en adaptant sa pièce « The Gift », montée l’année précédente à San Francisco. Dewey loue un château en ruines dans la banlieue sud de Paris pour les répétitions, Riley lui propose de travailler avec Chet Baker – tout juste sorti de prison en Italie pour possession d’héroïne – et son quartet en tant que musiciens et comédiens. Le quartet comprend Luis Fuentes (trombone), Luigi Trussardi (contrebasse) et George Solano (batterie), et joue régulièrement au cabaret le Chat qui pêche, rive gauche.
Riley enregistre le quartet (ensemble, puis séparément) dans les studios de la Radio Télévision Française, installés au Théâtre Sarah Bernhardt (actuel Théâtre de la ville) pour les retransmissions des spectacles du Théâtre des Nations. Baker choisit d’interpréter « So what » de Miles Davis, une pièce modale parfaitement adaptée aux intentions de Riley qui enregistre par ailleurs des extraits du texte de « The Gift » récités par John Graham. Riley décrit à l’ingénieur-son de la RTF présent pour l’aider au mixage le principe d’écho utilisé lors de l’enregistrement de Mescalin Mix. Écoutons Riley : « J’ai décrit cet effet à l’ingénieur français, un homme très sérieux avec un manteau blanc, qui bricola un moment avant d’assembler deux magnétophones ensemble. Mon dieu ! Le son que j’ai entendu était exactement ce que je cherchais… Tout ce que vous avez à faire est de réunir deux magnétophones. Le premier joue, le second enregistre, la bande circule entre les deux têtes de lecture. Quand la première machine enregistre, elle envoie le signal à l’autre machine qui joue ce qui a été ajouté. Cela n’arrête jamais de s’accumuler… » Répétition et accumulation : le Time Lag Accumulator est né, modifie définitivement l’approche musicale de Riley et l’entraîne logiquement vers la composition l’année suivante de la pièce fondatrice de la musique minimaliste, In C. Riley utilisera par ailleurs un système équivalent durant toutes les années 60 au cours d’improvisations qui pouvaient durer toute la nuit, en s’accompagnant à l’harmonium et au saxophone.
Quand Chet Baker entend le résultat passé à la moulinette du Time Lag Accumulator, il s’écrie « Man, that’s some crazy shit ! » Il n’est pas le seul à réagir négativement à cette déstructuration en règle de sa musique. Les représentations de « The Gift », les 8, 9 et 10 juillet 1963, provoquent l’incompréhension, voire la colère du public parisien venu essentiellement pour entendre le trompettiste et s’attendant à un genre de comédie musicale. Baker n’est même pas présent à la première et Riley le remplace au pied levé en utilisant un débouche-lavabo en guise de trompette. Comédiens, danseurs et musiciens sont installés sur un immense mobile en métal pendu au plafond, œuvre du sculpteur Jerry Walters, dans un équilibre précaire. L’argument de la pièce, un objet circulant de main en main, s’improvise à chaque représentation et permet toutes sortes de provocations obligeant les musiciens à jouer plus fort pour couvrir les cris de la foule. Au jazz du quartet répond le maelstrom sonore de la musique de Riley. Le dernier soir, un acteur conclut sa réplique « This is an incredible experience » en détruisant magnétophones et bandes dont il ne restera au final que des fragments, les 23 minutes d’enregistrement connues depuis lors sous le nom de « Music for the Gift ».

1963-2013 : the story

In 1963, the Theatre des Nations, a Parisian international theater festival, invited American playwright Ken Dewey’s company to present a performance at the Recamier Theater. The festival gave voice to the happening, a new movement initiated in 1957 by a student of John Cage named Allan Kaprow and that took off in New York and California. Dewey’s American Conservatory Theater (ACT) is multidisciplinary and includes choreographer Anna Halprin’s dancers in addition to members of the Living Theatre. In California, they experimented with new forms of theater and dance to create "multimedia" production in association with members of the San Francisco Tape Music Center. The Tape Music Center was a group of musicians that were interested in creating music by using magnetic tapes recorders. This group included Terry Riley, who created “Mescalin Mix" in 1962 for one of Halprin’s shows.
In 1963, Riley scraped together a living in Paris playing jazz standards in bars in Pigalleand on NATO bases. Upon meeting Dewey, he agreed to create the soundtrack for the playwright’s intended performance at the festival: an adaptation of his play "The Gift" created the previous year in San Francisco. Dewey rented a ruined castle in the southern suburbs of Paris for rehearsals, while Riley made plans to work with Chet Baker - just released from prison in Italy for possession of heroin - and his quartet as musicians and actors. At the time, the quartet played regularly on the left bank at the cabaret le Chat qui pêche and included Luis Fuentes (trombone), Luigi Trussardi (bass) and George Solano (drums).
Riley recorded the quartet (together, then separately) in the studios of the Radio Télévision Française, installed in the Sarah Bernhardt Theatre (current Théâtre de la ville) to broadcast the plays presented during the Théâtre des Nations. Baker chose to interpret "So What" by Miles Davis, a modal piece perfectly adapted to Riley’s intentions. Riley also recorded excerpts from the text of "The Gift" read by John Graham. Riley described to the RTF sound engineer assigned to assist him the echo technique he used to record “Mescalin Mix”. In Riley’s words: “I described the effect to the french engineer, a very straight guy in a white coat, wo fooled around and ended up hooking two tapes recorder together. Boy ! When you heard that sound it was just what I wanted… What you do is connect two tapes recorders. The first is playing back, the second recording, the tape streched across the heads of both. As this machine records, it feeds back to the other machine, which plays back what it’s added. It keeps building up… »
Repetition and accumulation: the Time Lag Accumulator was born and would permanently alter Riley’s musical approach. He followed this development to its logical conclusion the following year by composing the founding piece of minimalist music: “In C”. Riley would also use a similar system in the 60’s for all-night improvisations in which he accompanied himself on the harmonium and saxophone.
When Chet Baker heard his quartet’s music passed through the mill of the Time Lag Accumulator, he exclaimed "Man, that's some crazy shit!" Many shared his negative reaction to this deconstruction of the rule of music. The performances of "The Gift" on July 8, 9 and 10 1963 caused misunderstanding and even anger among a Parisian public that had come mainly to hear the famous trumpeter and expected a kind of musical theater. Baker was not even present at the premiere and Riley had to fill-in for him on short notice, using a toilet plunger as a trumpet. Actors, dancers and musicians were precariously balanced on a huge metal mobile hanging from the ceiling created by sculptor Jerry Walters. The title object would move from hand to hand during the play and was improvised at each performance. This created all kinds of opportunities for provocation and forced the musicians to play ever louder to cover the screams of the crowd. The maelstrom of sound created by Riley met the jazz quartet’s music. On the last evening, an actor concludes his line "This is an incredible experience" by destroying recorders and tape of which only fragmentswould ultimately survive: the 23 minutes of recording known since as the "Music for the Gift".